POLYSENSIBILISATION

Melle H… âgée de 18 ans, tourangelle pure souche, souffre d’une rhinite et d’un asthme allergiques qui évoluent depuis la petite enfance.
Elle est symptomatique toute l’année avec forte réactivation printanière. Cet état nécessite un traitement constant associant l’inhalation d’une association fixe corticostéroïde et bronchodilatateur longue durée d’action, d’un antihistaminique, d’un corticoïde nasal, de collyres antiallergiques, et, depuis plusieurs années, d’une corticothérapie per os, parfois à plusieurs reprises, au printemps.
Elle vit avec un chat depuis toujours et a été constante dans son refus de s’en séparer comme il lui a été maintes fois demandé par les différents médecins, parfois sans ménagement et avec dramatisation de la situation. Il est vrai qu’elle ne semble pas gênée en présence des chats d’une manière générale.
Par contre, très clairement, de façon reproductible, elle est très symptomatique lors de séjours dans des habitats anciens et humides.
Pour ce qui est de l’aggravation saisonnière, elle semble peu gênée lors de la pollinisation des arbres (surtout la période du bouleau), alors que les ennuis apparaissent en mai, juin voire juillet.


Elle a déjà subi plusieurs bilans allergologiques, à chaque fois l’immunothérapie allergénique a été récusée ; la patiente serait allergique à trop de produits allergéniques.

Tests cutanés :

  • Dermatophagoïdes pteronyssinus : 5-15 mm
  • Dermatophagoïdes farinae : 5-15 mm
  • Chat : 3-10 mm
  • Chien : 3-10 mm
  • Phléole : 5-20 mm
  • Bouleau : 5-20 mm
  • Olivier : 4-15 mm

Question A : A l’interprétation des résultats de ces tests cutanés, récusez-vous d’emblée toute idée d’immunothérapie allergénique ?

Réponse A

Une poly-IgE-réactivité n’est pas synonyme de poly-allergie. Il faut donc faire la part des sensibilisations et des réactions croisées.

Question B : Quelles réflexions vous inspirent la positivité du test cutané au chat ?

Réponse B

Ce qui interroge ici est le fait que la patiente, bien qu’ayant à l’évidence un terrain allergique, tolère très bien la gente féline.
Quelques études1234 suggèrent que les enfants exposés aux allergènes du chat de façon importante ont moins de risque de développer une allergie au chat comparativement à des enfants moyennement exposés. L’explication de cet effet protecteur chez l’enfant par l’exposition précoce et importante au chat n’est pas claire ; pour certains, l’exposition continue pourrait rééquilibrer la balance Th1/Th2 en faveur de Th1 avec augmentation des IgG anti-chat. Alors que la rupture de cette exposition faisait décroître les IgG1 anti-Fel d 1 et augmenter les IgE anti-Fel d 15.

Question C : Quels examens biologiques vous paraissent pertinents en première intention ?

Réponse C

Dermatophagoïdes pteronyssinus : 34,00 kU/l
Dermatophagoïdes farinae : 28,80 kU/l
Phléole rPhl p 1 et 5 : 27,50 kU/l
Bouleau rBet v 1 et nOle e 1 : négatifs.

Allergie uniquement aux pollens de graminées, positivité des tests cutanés bouleau et olivier en rapport avec des allergènes croisants (profiline, polcalcine) sans conséquence clinique.

Question D : Dans l’idée de décrypter les IgE réactivités concernant les animaux domestiques, quels examens biologiques pourraient vous permettre d’obtenir une explication ? 

Réponse D

Chat rFel d 1 : 0,69 kU/l
Chien rCan f 1 et rCan f 2 : négatifs
Chat rFel d 2 (albumine sérique féline) : 2,30 Ku/l

En présence de tests cutanés positifs au chat et au chien, pour faire la part d’une double sensibilisation (allergique aux deux) d’une sensibilisation à l’un d’eux avec une réactivité croisée à l’autre, il faut mesurer, à la fois, les IgE spécifiques de Fel d 1 (allergène hautement représentatif de l’allergie au chat) et les IgE spécifiques des lipocalines canines (allergènes hautement représentatifs de l’allergie au chien). Ici, seul Fel d 1 est positif donc, il s’agit d’une sensibilisation unique au chat. Alors comment expliquer la positivité du test cutané au chien ? Le dosage de rFel d 2, l’albumine féline, elle-même représentative de l’albumine canine, est positif. Il s’agit donc d’une réactivité croisée chien/chat via les albumines sériques, à priori, sans conséquence clinique.

Question E : Compte-tenu de l’ensemble des ces résultats l’immunothérapie allergénique est-elle indiquée ?

Réponse E

A l’évidence, grâce à ce bilan simple, l’éventail des allergènes s’étant nettement réduit, elle pourra donc recevoir une immunothérapie allergénique double, d’une part, acariens Dermatophagoïdes pteronyssinus/Dermatophagoïdes farinae, et, d’autre part, pollens de graminées.

 

1. Platts-Mills TAE. Paradoxical effect of domestic animals on asthma and allergic sensitization. JAMA 2002;288:1012-1014

2. Oryszczyn MP, Annesi-Maesano I, Charpin D, Kauffmann F. Allergy markers in adults in relation to the timing of pet exposure: the EGEA study. Allergy

3. Lau S, Illi S, Platts-Mills TAE, Riposo D, Nickel R, Grüber C, et al. Longitudinal study on the relationship between cat allergen and endotoxin exposure, sensitization, cat-specific IgG and development of asthma in childhood – report of the German Multicentre Allergy Study (MAS 90). Allergy 2005;60:766-773

4. Erwin EA, Woodfolk JA, Custis N, Platts-Mills TA. Animal danders. Immunol Allergy Clin North Am 2003;23:469-481

5. Wegienka G. Lifetime dog and cat exposure and dog- and cat-specific sensitization at age 18 years. Clinical & Experimental Allergy 2011, 41:979–986

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